Une source cachée
AVRIL 2023
C’est avec des eaux usées que Dieu fait des eaux pures. C’est avec des eaux troubles qu’il fait des âmes transparentes. Charles Péguy
Quand vous verrez beaucoup de misères, de déchets dans la vie de quelqu’un, dites-vous qu’il y a des chances que ça donne de belles fleurs.
Pierre Monier
Ceux ou celles qui ont un penchant très critique, rationaliste, voire athée, ne cachent-ils pas un sentiment religieux enfoui sous la cendre des vieilles convictions ? N’ont-ils pas tous une source cachée au plus profond d’eux-mêmes ? N’ont-ils pas un peu du Zachée de l’Évangile qui lui non plus n’était pas très croyant mais voulait quand même voir passer ce Jésus. Et cet Augustin au 4e siècle qui a cherché sur tous les chemins pour découvrir qu’elle était en lui cette source cachée…
J’ai tardé à t’aimer, Beauté si ancienne et si neuve.
Tu étais dedans, moi dehors et je te cherchais dehors…
Tu étais avec moi sans que je fusse avec toi…
Tu as appelé, crié, tu as rompu ma surdité.
Tu as brillé par éclairs et par vives lueurs et tu as balayé ma cécité…
Tu as exhalé ta bonne odeur, je l’ai respirée.
DES ÊTRES DE CONTRADICTION
Si nous étions limpides comme une source, nous saurions d’un seul coup d’œil qui est bon et qui est méchant, les commissions d’enquête pour faire la vérité seraient inutiles, les avocats n’auraient aucune cause à plaider. Au contraire, il y a en nous un mélange de vrai et de faux, de beau et de laid. Un mélange de grâce et de péché, un inextricable enlacement de bien et de mal. Nous sommes des êtres de contradiction en qui se mêlent le meilleur et le pire, en qui s’entrecroisent la lumière et les ténèbres, en qui s’entremêlent la vérité et le mensonge. Comme Paul de Tarse, « effectivement, je ne comprends rien à ce que je fais : le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais. Malheureux homme que je suis. »
UN PUITS PROFOND
Une jeune juive dans un camp nazi se disait incapable de s’agenouiller, n’osait même pas prononcer le nom de Dieu ; elle parvint pourtant à descendre dans le puits profond de son être et à s’abreuver à la source cachée qui sourdait en elle.
Il y a en moi un puits très profond et dans ce puits il y a Dieu. Parfois, je parviens à l’atteindre. Mais le plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits et Dieu est enseveli. Alors, il faut le remettre au jour.
UN PAÏEN, UN ATHÉE, UN ÉTRANGER
La relève dans l’Église née de la Pentecôte est venue du monde païen, un monde souvent considéré comme de l’ivraie dans le champ des Églises. La relève dans l’Église de demain ne viendra-t’elle pas encore des païens, des athées, des étrangers ? Chacun porte en lui une source cachée. Tout près de nous : notre fils, notre petite-fille, notre ami, notre voisine. Ils viendront peut-être de tous les horizons pour combler les places laissées vides par les croyants d’ici. C’est d’eux, comme de ce centurion de l’armée romaine, que Jésus déclarera demain comme autrefois : « En vérité, je vous le déclare, chez personne en Israël je n’ai trouvé une telle foi. »
LES MIETTES DE TABLE
Ces païens, ces athées, ces étrangers nouvelle vague ne ressemblent-ils pas à cette femme cananéenne dont la présence importunait les disciples au point de dire à Jésus : Fais-lui grâce car elle nous poursuit de ses cris. C’est pourtant à cette femme païenne qui ne demandait que les miettes de la table que Jésus avait dit : « Femme, ta foi est grande ; qu’il t’arrive comme tu le veux. » Des êtres de contradiction que nous sommes, il peut faire des témoins, des disciples, des saints ou des saintes.