OCTOBRE 2023

Quand la norme disparaît, la règle prend la place. Quand la morale est rejetée, le code retrouve son empire. Quand le prêtre et le moraliste s’effacent, le juge s’avance, jusque dans les réduits de l’intimité.
J.-C. Guillebaud, La force de conviction

Dans le christianisme, les lois morales surgissent comme une réponse à l’Évangile. La morale et l’Évangile forment désormais un couple inséparable. De nos jours, la morale séculière nous a rendu service : elle nous oblige, heureusement, à refuser désormais cette identification et à penser autrement les liens entre la foi et la morale. C’est ainsi que la morale chrétienne doit se laisser critiquer par la morale séculière critiquée à son tour par la foi. Ce qui fait l’originalité de l’Évangile, ce n’est pas d’abord sa dimension morale mais sa dimension théologale laquelle pourra influencer toute la vie chrétienne.

La pauvreté de l’Occident est avant tout doctrinale, spirituelle et morale : aussi est-il le terrain fertile où prolifèrent par milliers les sectes les plus farfelues, source d’émotions épidermiques, mais sans prise véritable sur l’être profond. Les chrétiens eux-mêmes risquent de se paganiser.
René Latourelle, De la morosité à l’espérance

DES ASSISES SOLIDES

C’est ainsi qu’il est très important de nous inspirer de la Parole de Dieu pour appuyer l’enseignement moral sur des assises solides. À chaque époque, la morale chrétienne doit retourner à l’Évangile pour se ressourcer, se repenser. 

Le renouvellement de la morale chrétienne ne se fera pas sans un renouveau de la Parole de Dieu écoutée et célébrée. Parole, sacrement et morale sont liés pour le meilleur et pour le pire. La parole de l’Évangile est le lieu de ressourcement de la morale. Le culte sacramentel, tel que le désire Jésus, est le culte du cœur qui se convertit au style d’existence évangélique.
— A. Donval, La morale change

FOI ET MORALE 

Nous avons parfois confondu foi et morale. Nous avons hérité d’une moralisation outrancière de la foi chrétienne en sorte que la morale avait pratiquement absorbé la foi elle-même. Comme conséquence, l’Évangile risquait d’être réduit à un ensemble de pratiques. La foi judéo-chrétienne, à la différence de la plupart des grandes religions, n’est pas surtout de l’ordre des idées ou de la morale, mais de l’ordre des faits historiques. Notre credo, depuis l’exode biblique, est une suite d’événements qui sont arrivés et qui orientent l’avenir et le garantissent. « Garde-toi d’oublier. C’est moi le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude, qui t’ai fait traverser ce long désert, qui t’a donné la manne et fait entrer dans ce pays où coulent le lait et le miel. » En conséquence, le peuple élu est invité à vivre les exigences de l’Alliance dont les dix commandements sont un condensé de la morale de la Première Alliance.

PALMARES DE LA MÉDIOCRITÉ

La conversion change parfois notre façon de nous voir nous-mêmes comme un hymne à la grandeur humaine. Nous ne sommes pas que des pécheurs, nous sommes des êtres graciés, aimés de Dieu. La conversion change aussi notre hiérarchie des valeurs: besoin de biens matériels, certes, mais aussi de biens spirituels. La conversion nous préservera de sombrer dans la littérature où tout est absurde et ténébreux; elle nous empêchera de devenir complices de la mondialisation de l'indifférence; elle nous gardera de contribuer à entretenir le palmarès de la médiocrité.

La morale découle de la découverte du message évangélique mais comme une suite seconde, logique, allant de soi, non comme un corset de contraintes dans lesquelles Dieu voudrait nous contenir.
P. Valadier, Lettres à un chrétien impatient

SENS DU SACRÉ

À voir le peu de considération que l’on porte au sens moral et au sens du sacré, il semble, sans être alarmiste, qu’une réaction s’impose si l’on ne veut pas retourner à la dégradation de la Grèce antique quand les mœurs étaient à leur plus bas niveau sur l’échelle des valeurs humaines. Nous voici coincés dans un paradis qui ne nous convient pas ! Un monde techno-scientifique d’où sont bafouées les valeurs de beauté, d’écologie, de gratuité, de foi, de transparence, de droiture, d’harmonie. Et j’en passe. Faudra-t-il, pour reprendre le langage imagé de la Genèse, que le Seigneur Dieu, après nous avoir chassés du nouveau jardin d’Eden, poste les Chérubins avec la flamme de l’épée foudroyante pour garder le chemin de l’arbre de vie? Heureusement, à l’autre bout de la Bible, le Vivant nous ouvre son cœur et nous donne rendez-vous dans la cité d’en haut avec un accueil des plus chaleureux. Un faire-part de l’Apocalypse. 

Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon son œuvre. Je suis l’Alpha et l’Oméga, le Premier et le Dernier, le commencement et la fin. Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie, et d’entrer, par les portes, dans la cité. Je suis le rejeton et la lignée de David, l’étoile brillante du matin. L’Esprit et l’épouse disent : Viens ! Que celui qui entend dise : Viens ! Que celui qui a soif vienne. Que celui qui le veut reçoive de l’eau vive, gratuitement.